L’art africain a longtemps fasciné et intrigué le monde occidental. L’exotisme, la richesse culturelle, et l’esthétique saisissante des objets artistiques africains ont attiré l’attention des explorateurs, des collectionneurs, et des artistes européens pendant des siècles. Cependant, cette fascination s’est souvent accompagnée d’une forme de colonisation culturelle, où l’art africain a été mal compris, réduit à des stéréotypes, et, dans certains cas, pillé ou volé.
Dans “Art africain”, Frank Willett explore les diverses traditions artistiques et culturelles de l’Afrique, en mettant l’accent sur les sculptures, les masques, les textiles, la poterie et d’autres formes d’art.
L’histoire de l’art africain ne peut-elle se lire qu’à travers ces seuls discours et regard de l’Occident ?

La subjectivation occidentale de l’art africain
L’art africain a été découvert par l’Occident à l’époque des explorations coloniales du XIXe siècle. Les premiers contacts avec les cultures africaines ont été marqués par la curiosité, l’émerveillement et la fascination envers l’inattendue découverte de ce que représente l’expression d’une intelligence collective.
Malheureusement, cette fascination a souvent conduit à la simplification et à la réduction de la richesse de l’art africain. Les Européens avaient tendance à voir ces œuvres à travers le prisme de leurs propres préjugés et stéréotypes. Par exemple, les masques africains étaient souvent considérés uniquement comme des objets rituels, sans comprendre leur rôle complexe dans les différentes cultures africaines. Les sculptures en bois étaient parfois réduites à des représentations de “sauvages” ou d’hommes primitifs”, ignorant leur véritable signification culturelle.

Le regard ethnographique
A partir du XIXe siècle, les travaux ethnographiques portés sur l’art africain ont cherché à étudier et à comprendre les cultures “exotiques africaines”, à l’instar de ceux de de William Fagg jouant ainsi un rôle clé dans la reconnaissance de l’art africain en tant qu’art véritable, et non simplement comme des objets ethnographiques ou primitifs. Ces recherches ont été faites à partir des collections de masques, sculptures en bois, tissus colorés et bijoux réputés mystérieux et mythiques. Cela a souvent abouti à une approche circonstanciée et biaisée de l’art africain dans la mesure où les objets étaient arrachés à leur contexte culturel d’origine pour être exposés dans les musées européens, souvent sans les informations nécessaires pour les comprendre correctement.

Le pillage et le vol d’œuvres d’art africaines
La colonisation européenne de l’Afrique a également entrainé le pillage et le vol d’œuvres d’art africaines. De nombreuses œuvres précieuses ont été emportées illégalement d’Afrique pour être exposées dans des musées européens ou vendues sur le marché de l’art. Ce pillage a non seulement privé les sociétés africaines de leur patrimoine culturel, mais a également contribué à la marginalisation de l’art africain en le reléguant au statut d’objet de collection occidental.

Dr Maiga Sigame Boubacar
Docteur de l’Université d’Aix-Marseille
Maître de conférences

Reférences bibliographiques
Frank Willett (1971), “Art africain”
Michel Leiris (1967), “L’Art de l’Afrique noire”
Robert Farris Thompson (1983), “The Heroic Age of African Figurative Sculpture”
Sidney Littlefield Kasfir (2002), “African Art and the Colonial Encounter”
William Fagg (1958), “L’Art nègre”
William Bascom (1969), “Le sculpteur et la statue en Afrique noire”

Date posted: November 2, 2023 | Author: | Comments Off on Dr Maiga Sigame Boubacar : La colonisation de l’art africain à travers le discours et le regard occidental